J’avais une petite imprimante à jet d’encre, un modèle photo à 6 encres quand même, avec laquelle je faisais de beaux tirages en couleurs dont j’étais content. Hélas, si les photos au-dessus de mon bureau n’ont pas changé -elles sont toujours aussi belles oserais-je dire- toutes celles exposées dans un endroit un peu trop lumineux, à la portée des rayons de soleil ou près d’une ampoule fluorescente, se sont décolorées en verdissant peu à peu.

J’ai donc acquis une imprimante plus volumineuse, qui utilise au lieu des encres des pigments censés résister beaucoup mieux et plus longtemps à l’air et aux UV.

Elle permet aussi des tirages de plus grande taille, sur des papiers plus épais, et dispose d’une cartouche spéciale de « noir mat » pour imprimer sur des papiers mats ou « beaux-arts » . Habituellement je préfère la photo brillante, j’ai même pratiqué le glacé métallique du cibachrome, jusqu’à ce qu’en cesse la production. Je dirais presque qu’une belle photo sur papier est brillante, parce qu’il n’y a que comme ça qu’on obtient des noirs vraiment noirs, même si l’on peut varier –parfois- et essayer par exemple en argentique Noir et Blanc le papier Foma 132 semi-mat à ton chaud, très rétro, ou les papiers Kentmere à grains (Art Document ou Art Classic, qui n’existent plus et c'est bien regrettable).

Mais j’ai aussi découvert l’héliogravure, un procédé d’imprimerie en Noir et Blanc quasiment abandonné aujourd’hui je crois, vanté dans les années -50/60 pour la profondeur de ses noirs. Voir toute la série « Zodiaque » sur l’art roman (selon les éditions successives), les fameux livres de photographies édités par la Guilde du Livre comme La Banlieue de Paris par Cendrars et Doisneau ou La France de profil par Paul Strand et Claude Roy (celui-là je ne l’ai encore jamais eu entre les mains, j'en rêve), les grands formats de la collection « l’Univers des formes » dont l'époustouflant volume sur les Perses, à mon sens une des plus grandes réussites de l'édition de livres avec images.

Cela ne convient pas à tout : l’image est assez contrastée, les nuances sont réduites et le modelé aussi ; mais c’est magnifique sur la pierre et particulièrement la statuaire.

Je rêvais de reproduire le noir mat uniforme de l’héliogravure, mais le procédé a presque disparu, quelques artisans le pratiquent encore sans doute mais je suppose que ça demande un certain apprentissage, du matériel et de l’espace, enfin bref j’ai essayé autre chose à la place.

Et puis là, peut-être pas par hasard mais guidé plutôt par quelque intuition, quand même, j’ai passé en Noir et Blanc une photo de Sainte Véronique prise au Musée des Beaux-Arts de Dijon, j’ai retravaillé le contraste et les densités sur un logiciel de traitement et je l’ai imprimée sur un papier mat un peu chaud, et j’ai eu la surprise attendue, c’était magnifique, je retrouvais les beaux aplats d’un noir profond, presque sur-encré, la rugosité de la pierre dans le contraste.

Illustration : le miracle de la Sainte-Face ou l’invention de l’imagerie instantanée.